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A propos de la liberté

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Message par Guinevere Mar 10 Avr 2007 - 9:31

Georges Lane a écrit:Je prends au vol deux propositions consécutives de Guinevere :

L'une conclut son dernier billet :
Dans le texte de Berdiaev que nous citait Jean Gilles Malliarakis, la liberté est un horizon et paradoxalement un devoir, pas toujours un donné immédiat.


Et l'autre est sa "trace" – que je n'hésiterais pas à faire mienne –
La vérité ne vient point du dehors mais du dedans.
(Milosz)


Malheureusement, ces deux propositions, de fait juxtaposées, me semblent, chère Guinevere, contradictoires. Si la vérité vient du dedans, la liberté est un donné immédiat

Je me permets d'asseoir mon jugement sur un extrait d'un texte récent que je tire de "Déterminisme, hasard, chaos, liberté. - Henri Poincaré et la révolution des idées scientifiques au vingtième siècle" écrit par C. Marchal ("polytechnicien de la promotion 1958") et qu'on trouve sur http://www.annales.org/archives/x/poincare.html

V. La prochaine étape : le libre arbitre et la liberté.

L’évolution des idées conduit maintenant à une nouvelle étape : l’analyse scientifique de la volonté, du libre arbitre, de la liberté.

Ce sujet a bien sûr été examiné par les philosophes depuis des siècles et même des millénaires :
- sommes-nous réellement libres ?
- notre impression de libre arbitre n’est-elle qu’une illusion ?

On peut classer les philosophes selon leurs réponses à ces questions essentielles (Honderich, 1993), la plupart d’entre eux restent dans le doute.
Honderich T. How free are you ? The determinism problem. Oxford University Press 1993.

L’analyse scientifique conduit à un résultat étrange : une conclusion scientifique semble impossible et toutes les expériences ont donné des résultats ambigus.
Face à ce problème, et en dépit de leurs gigantesques progrès par ailleurs, les scientifiques restent dans la situation impuissante des philosophes (Burns 1999).
Burns J.E. "Volition and Physical Laws", Journal of Consciousness Studies, Vol 6, N° 10, pages 27-47, 1999.

La tendance actuelle est de considérer que le libre arbitre et la liberté existent réellement, et en effet avec cette hypothèse notre monde est bien plus compréhensible qu’avec l’hypothèse opposée, mais aussi que libre arbitre et liberté sont improuvables. Ils doivent être considérés comme des axiomes tout aussi improuvables que ceux de la géométrie ou de l’arithmétique :

Axiome : « Il y a en chaque être humain une source de liberté ».

Pour la philosophe Patricia Churchland, in « The astonishing hypothesis » (Crick, 1994),
Crick F. La scienza e l’anima. Rizzoli editor. Appendice sul libero arbitrio. Page 315, Milano 1994.

l’existence de tant de mouvements chaotiques avec les effets papillons correspondants est la raison réelle de la possibilité et de l’existence de la liberté : notre libre arbitre a constamment un grand nombre d’opportunités pour agir décisivement à un prix presque nul.

Ce courant d’idées et les problèmes éthiques rencontrés par les scientifiques sont à la base d’une conséquence inattendue, mais pressentie de longue date par les grands mystiques, Jean de la Croix, Thérèse de Lisieux : une fantastique modification de l’image de Dieu.

Il faut comprendre combien dans les siècles passés l’image janséniste d’un Dieu tout-puissant, exigeant et sévère était répandue. Un Dieu faisant sans cesse le compte de nos péchés et usant au besoin de vengeance... un Dieu horrible et repoussant.

Voltaire était si indigné par ceux qui lui répétaient que les 40 000 morts du tremblement de terre de Lisbonne (Novembre 1755) étaient dus aux péchés des habitants de la capitale portugaise, qu’il a écrit ces deux lignes très célèbres :
Lisbonne, qui n’est plus, eut-elle plus de vices
Que Londres, que Paris, plongés dans les délices?

Bien plus tard, à Paris aussi récemment que 1897, la catastrophe de l’incendie du « Bazar de la charité » (117 morts, pour la plupart des femmes s’occupant de bonnes œuvres) suscite à nouveau le même genre de rhétorique sur la vengeance divine :
« La France a mérité ce châtiment par un nouvel abandon de ses traditions... (homélie du père Olivier, dominicain, à Notre-Dame de Paris).

Est-il besoin d’ajouter que toutes ces idées étaient en totale contradiction avec l’enseignement du Christ ? (l’aveugle-né, les victimes de la chute de la tour de Siloé, Pilate et le massacre des pèlerins nazaréens, etc.).[...]

Aujourd’hui Dieu est complètement différent de ces images du passé. Il n’est plus tout puissant : Il a fait à l’homme le cadeau merveilleux, mais aussi terrible, de la Liberté et cela limite sa puissance.
Dieu ne corrige pas les conséquences néfastes de nos péchés : nous ne serions plus libres, mais Il en souffre. Il intervient en nous éclairant dans notre conscience sur les conséquences de nos actes comme autrefois le Christ acceptant l’arrestation, la condamnation, la torture et la mort pour nous enseigner concrètement combien nous pouvons être injustes.

Cette nouvelle image de Dieu s’est répandue à une vitesse surprenante, et il est désormais commun d’entendre même chez des personnes âgées des réflexions comme : « Dieu est amour, comment est-il possible que, par exemple en Algérie, des hommes tuent au nom de Dieu ? ».

Elles ont oublié comment était Dieu il y a encore si peu de décennies, et comment il demeure dans l’esprit des fanatiques.
Et les preuves scientifiques de l’existence ou de l’inexistence de Dieu ?
Sans doute est-il impossible de conclure sur ce sujet, car croire ou non c’est la première des libertés.


Bien évidemment, ce texte ne saurait faire la moindre ombre au beau texte qui précède et que nous propose JG Malliarakis.

Mais je le trouve "pas mal" , surtout venant d'un "polytechnicien"...

Je me suis permis de reprendre ce message pour ouvrir un nouveau fil car il me semble que ce débat ne serait plus à sa place après les cris de joie de la Résurrection.

Vous voyez une contradiction dans mes propositions. Il n'y en a pas. D'abord parce que, d'un point de vue de pure logique, très scolastique, le fait de connaître la vérité par l'intérieur de soi pourrait fort bien accompagner une forme de déterminisme. Le rabbin Fohrman, dans son exégèse de la Genèse parle de l'instinct comme de la voix de Dieu interne à la conscience animale. (J'ai traduit ce texte en français sur un autre forum où je me commets de temps à autre. En voici l'adresse : http://www.relation-aide.com/forum/viewtopic.php?t=9298 )
Mais bien évidemment ni Milosz ni moi-même ne l'entendons ainsi.

La liberté a quelque chose de paradoxal pour la conscience humaine. D'une part, elle ne peut être qu'absolue, originelle, fondatrice (y compris en tant que don de Dieu et je souscris pleinement au texte que vous citez) ou ce n'est plus la liberté ; et d'autre part, l'expérience quotidienne et le combat spirituel nous font assez ressentir que c'est un horizon à conquérir et que ça ne se fait pas en un jour. Il ne suffit pas de quitter la sécu comme le proclament Laure ou Philippe-Arnaud pour être libre -- et paradoxalement peut-être, pour quelqu'un qui serait vraiment libre (j'en ai rencontré quelques uns), la sécu n'est pas le problème.
S'il n'y avait pas cette liberté originelle et absolue, indéracinable malgré toutes les contraintes extérieures, nul ne pourrait atteindre cette liberté recherchée ou redonnée au bout du combat spirituel.
C'est le même paradoxe que celui de la mort déjà vaincue et pourtant épreuve qui pend au nez de tout être vivant.
Peut-être, en ce qui concerne la liberté, faut-il voir ce paradoxe au travers d'une métaphore végétale : le germe est présent en nous, fondateur de notre être, mais il reste à le faire croître et fleurir malgré l'obstacle de la glaise. Comme toutes les métaphores, celle-ci a ses limites évidentes.
Un point tout de même sur lequel s'accordent toutes les traditions spirituelles, tous les mythes d'origine (sauf l'islam) : l'homme s'est rendu esclave (par mauvaise orientation du désir, par illusion, par ignorance, par oubli, par chute dans la matière, etc., il y a mille "explications") et doit retrouver sa liberté, y compris par l'épreuve de l'ascèse. Il n'y a que l'islam (en mettant le soufisme à part) qui considère l'esclavage comme vertueux en soi.
Je ne résoudrai pas ce paradoxe. Je le constate, comme le constatait Berdiaev. Et j'essaie de me rendre libre? vraiment libre... Je le suis peut-être plus que d'autres à un regard extérieur. A mon regard intérieur... euh... c'est pas encore gagné ! Wink mais je me soigne !
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