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Au Duc de Saint-Sermon

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Message par Princesse Baratine Ven 13 Avr 2007 - 17:53

Au Duc de Saint-Sermon, en ses terres de province,

De Charlotte-Lisbeth, Princesse Baratine, en son château de Saint Cloud.

Foutrebleu, Saint-Sermon, que diantre faites-vous, pour qu’on n'ait, en cette Cour qui se consume d’ennui, plus le plaisir de vous lire ?
Sachez que votre encre est ma purge favorite, ma potion préférée et ma saignée ordinaire : elle me fait même meilleure santé, à m’être administrée sans limites, que ces médecines de cheval que me prescrit cet asinesque latinolâtre de la Faculté qu’est mon grand imbécile de docteur !

Toute la société se languit de vous.
Vais-je devoir, en cette Semaine de Pâques, vous sonner les cloches, et me devoir produire en chaire, ainsi que notre rugissant Bossuet, afin que ma voix, mes invectives et mes implorations, tour à tour adressées à votre personne, vous inclinent, vous persuadent, ou, à défaut, vous contraignent à quitter votre retraite, et à nous faire enfin, de nouveau, l’honneur et le privilège de nous distraire, et de nous faire rire aux dépens du grand clystère à ordure qui nous sert, hélas ! de souverain et Maître ?!!
Fi, que vous me décevez, Duc !
Je vous sais, comme tous ceux qui, en un éclair, devinent les choses du monde et voient la nature humaine jusqu’aux tréfonds, enclin à la paresse, à l’oisiveté et à l’indolence, toutes vertus nécessaires, je n'en disconviens point, à l’élaboration des grandes œuvres et des bons livres. Mais, que diable ! A force de distiller la quintessence de votre intelligence si fine, et de peaufiner ou d’aiguiser votre verve dans la retraite et le silence, vous finirez par nous lasser, voire par nous impatienter. Ne vous faites point trop, ni trop longtemps encore désirer, mon cher. A force, vous parviendrez à vous faire oublier de nous, - ce qui vexerait votre orgueil, j’en suis assurée, et nous désobligerait d’autant mieux, de vous infliger cette blessure d’amour-propre : la seule qui soit mortelle à un homme aussi heureusement que vous dépourvu de cœur. Ah ! Vous êtes bien de ma trempe : vous êtes trop désillusionné pour ne pas être lucide, assez dépourvu d’aveuglement sur la bonté de votre prochain pour vous montrer le meilleur chroniqueur de ces temps déplorables, et de nos risibles contemporains. Vous êtes, scélérat, sans pitié ni complaisance ; et vous assassineriez ce que vous avez de plus cher, pour le plaisir de tirer un bon mot, ou une définitive sentence sur votre crime. Eh ! Bien, s’il vous faut, pour ranimer votre flamme, quelque piquante agacerie ou coup d’aiguillon, je vais ici-même vous rendre l’appétit de mordre. Oui, mon Ami, je vais vous asticoter tant bien le nerf de la médisance, que vous ne pourrez renoncer à reprendre la plume, et – peut-être ? – à mieux que je ne vais le faire à l’instant, nous poursuivre le récit des lamentables faits et gestes de Monseigneur.

Voici, pour vous allécher, par la mâlemort, foutre et donnerwetter !

Apprenez donc que Monseigneur, sentant son trône de plus en plus vaciller, sous les coups, prêts à triompher, de la fronde des Princes de Carbuce et d’Athènes, a récemment désiré donner l’apparence d’asseoir son règne, en commandant qu’on peignît de lui un portrait en pied, revêtu de tous les attributs de sa majesté, et que ce portrait fût destiné à être reproduit, en autant d’exemplaires qu’il fallait, afin d’être suspendu, par ordre, en tous les lieux importants ou prestigieux du Royaume.
Cette affaire fit rire les esprits séditieux et retors, dont vous et moi, nous pouvons nous enorgueillir de compter au nombre, - et il se répandit aussitôt que Monseigneur ne pouvait, certes, commander de lui qu’un portrait « en pied », puisqu’il en est un, - et de pointure fort inhabituelle, qu’un soulier d’une aune, ou l'une des bottes de sept lieues de l’ogre du conte ne saurait suffire à chausser tout entier.
Voici donc, pour vous faire rire, le portrait en pied de Monseigneur, tel que ma plume, se substituant au pinceau, peut tenter de vous le rendre, le plus fidèlement, quoique perfidement qu’il sera possible.

Oncques ne vit-on, je pense, plus que ce pitre couronné, homme qui se tînt autant pour le nombril du monde, en n’étant, au vrai, que l’orifice extrême de son boyau culier.
Monseigneur est de ces imbéciles qui veulent avoir un avis sur toute chose, sans avoir de lumières sur rien. Ce qu’il prend pour de l’intelligence (Dieu sait que cet âne s’en croit fort pourvu !) n’est que la noire fumerolle d’une lampe qui charbonne, et dont la mèche de mauvaise corde tremperait dans une huile rance.
Savez-vous, cornebleu ! que ses avis arrivent à puer autant qu’une haleine de charognard, et l’air aristocratiquement pincé qu’ont ses narines n’est dû, semble-t-il, ainsi que l’affirmait fort plaisamment le Chevalier de la Paucardière, qu’ au « désagrément que ressent son nez, de se trouver placé si près de l’odeur de sa bouche » ?
Son autorité, sa rigidité, sa façon perpétuelle de désobliger de la parole ou de la simple attitude, les gens qui l’entourent et le servent, ne sont que la conséquence de cette médiocrité de caractère, de cette incompétence de gratte-papier, de cette petitesse de commis aux écritures qu’il sait constituer, à son plus vif dépit et sa plus grande rage, la vérité toute crue et toute nue de sa nature.
Ignore-t-on encore qu’avant de s’emparer du pouvoir, ce drôle végétait dans le cul de sac moisi du plus poussiéreux des Ministères, et qu’il ne répondait que trop à la définition que m’en donnait récemment un excellent ami de Madame des Tuileries : « Savez-vous ce qu’est un comptable ? - Un con assis à une table »…
Voilà qui, brièvement , et tout brut de fioritures et de vaine ou inutile périphrase, peint Monseigneur tout entier, ne trouvez-vous pas ?
Car il est homme qui se connaît trop pour ne point détester se voir, s'envisager et se considérer tel qu'en lui-même; et partant, il tente de costumer son néant d'être de grandeur ou d’orgueil empruntés ; il se pare donc, tel le geai de Monsieur de la Fontaine, des plumes du paon. Ainsi se montre-t-il à tous, grimé d’une queue postiche, avec laquelle il aime à rouer devant les compliments, les honneurs et les flatteries les plus basses de ses thuriféraires. Mais, quoi ? mon cher, qui n’est point né revêtu de la parure de l’oiseau de Junon ne peut faire mentir son extraction, même sous la plus éclatante livrée, ou le plus miroitant plumage. Ses gloussements disgracieux, ses attitudes mêmes sont d’un dindon qui voudrait s’exprimer et souffler de péremptoires avis plus haut que son croupion.
Savez-vous qu’aujourd’hui, Monseigneur-Lune se croit autorisé à se poser, comme le défunt Roi Jean, en protecteur des Arts des Lettres et des Sciences ??? Si ce n’était qu’un innocent désir, nous n’eussions, sans doute, rien trouvé à redire de cette intention. Mais ne prétend-t-il point, à tout propos, désormais, se tenir à la hauteur des meilleurs représentants de toutes ces disciplines de l’esprit, dont bien sûr, il ne connaît pas le premier mot, mais s’autorise à disserter avec autorité ? Sa coterie du Lundi, - où, pour le dernier carré des flatteurs patentés, tel que son confesseur l’Abbé de Fauderche de Saint-Cyr l’Haimpompe, depuis peu par ses soins promu à servir la grand messe du Dimanche, il est fort bien porté de fréquenter, de se faire voir, valoir, et de le faire savoir –, n’est point un salon, ou un festin de l’intelligence, comme l’était celui du Vendredi de Monsieur le Prince d’Athènes, mais une cour du Roi Pétaud, où il n’entend s’entourer des meilleurs esprits du temps, qu’afin de se placer dans leur éclat, et faire reluire ou se refléter sur sa triste obscurité une paillette de leur astre. Ce nain pédant essaie d’escalader les grands hommes avec un escabeau, ou un tabouret, non de Duchesse, mais de Vicomte - et il s’efforce pour cela, d’emprunter la voie la moins aisée : celle d’une intelligence qui n’est constituée que de bribes de tout, et de notions de rien. Sa profondeur de vues et d’opinions ne dépassant point le niveau des débats de taverne, Sa Grâce le comte de Northumberland, récemment en visite à la cour, eut ce mot qui résume, à mon avis, la qualité des réunions de Monseigneur : « He wanted to have a « Salon », - he has just opened a « Saloon »… Mot que vous eussiez pu faire, très cher Ami, - mais que seuls nos cher gottons peuvent entendre en leur langue…
Ce qui, à la fin, je vous l’affirme, perdra Monseigneur, ce sera certes moins sa méchanceté que sa bêtise.
L’une est sans doute, comme vous me le ferez justement observer, la conséquence de l’autre, et il est comme cet animal mythique qui, ayant une seconde gueule à la place du cul, ne peut point expulser sa fiente par la voie naturelle, et meurt de rage dans la perpétuelle et fort incommode crispation de sa colique.
Or, il semble désormais qu’il se soit tant enivré de son pouvoir, que plus rien ne le retienne, en tout, de passer les bornes : celles de l’arrogance, de la fausseté, de la tromperie, - et par-dessus tout, celles du ridicule.
Dépêchez vous, mon cher, avant que ce Maître haut de trois pommes ne tombe de tout son long, de la piètre altitude de son perchoir, de nous achever la chronique de ce règne qui restera un des plus tragiquement grotesques qu’on ait pu voir ! Du moins, de cette parenthèse dont la bêtise put d’abord nous effrayer, dont l’absolutisme aveugle, et surhumain d’arbitraire, nous laissa médusés, sera-t-elle par vos soins réduite à ce quelle valut : c’est à dire, notre plus franc sujet de raillerie, déchaînant les gorges chaudes de notre ironie, devant l’écroulement final et désormais trop prévu de ses prétentieuses ruines !

Revenez-nous vite, mauvais sujet, ou par les couilles noires de Belzébuth, je vous scheizerai sur le nez de la plus insolente manière!

Votre
Liselotte.
Princesse Baratine
Princesse Baratine
Bizuth

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